
(Emmanuel Kant : Critique de la raison pure)
Oeuvre par : IRBIS - http://irbis.deviantart.com/
La science et les mathématiques désservent les créations et l’avancement de nos sociétés. Par contre, nous leur attribuons parfois l’absolue vérité. Mais ce ne sont que des supports à notre survie et notre évolution. Un modèle qui sert à nous rassurer et qui fonctionne à bien des égards.
La fragilité de l'édifice scientifique est la notion d'objectivité. Les scientifiques seraient les spectateurs passifs de phénomènes préexistants... mais est-ce possible ? Le modèle de la perception nous incite plutôt à penser que cette objectivité est une illusion, parce que nous voyons obligatoirement le monde à travers le filtre de nos idées et conaissances limitées. Nous participons à la construction des phénomènes.
La méthode scientifique permet seulement de construire des théories provisoires et fragmentaires ayant pour vertue de faciliter l'action dans des domaines étroits et précisément délimités. Elle ne saurait en aucun cas prétendre fournir une description fidèle de la réalité. Elle n'est finalement guère différente de la perception.
Illustration : Dave Whitlam - http://whitlam1.deviantart.com
Les fleurs du mal, Charles Baudelaire.
La joie, la douleur, la peur, la rage, et toute la gamme des émotions existent sans que les mots ne les définissent. Au moment où nous souffrons, les mots ne peuvent donner qu’un aperçu de l’émotion ressentie et réussir à l’extérioriser en cris ou en mots. Prenez seulement le temps de bien observer ou d’imaginer un animal souffrant ou atteint par un projectile d’arme à feu. Même douleur, mêmes cris d’effroi que chez l’être humain, ses yeux cherche le vide et la pauvre bête perd la vie dans la souffrance. Au-delà des mots, au-delà du langage, un courant commun nous unis tous, celui de l’importance chaque forme de vie. Elles échangent leurs chants qui s’emmêlent et se superposent ne formant qu’unité et mélodie. Malheureusement, l’humain ne communique presque plus avec la nature si ce n’est pour lui imposer sa voie ou l’exploiter.
Le langage ne survient qu’en réaction à un sentiment ou une idée, car c’est ainsi que le cerveau fonctionne, classe, compare et quantifie toute l’information qui nous submerge à chaque instant, ne perdant absolument rien de ce qu’il perçoit… Les mots ne peuvent en aucun cas prétendre représenter avec exactitude nos sentiments et nos états d’âme, ils ne sont qu’une interprétation post-émotive. La sensation est à la base de tout et cela bien avant que le langage ne prenne forme. Le langage ne sert qu’à interpréter vaguement toutes idées ou sentiments perçus. Il permet donc de communiquer en figeant un moment de notre vie.
Les animaux fonctionnent sur cette même base de sentiments… Par contre, ils ne peuvent communiquer qu’en utilisant un vocabulaire propre à leur espèce. Si je suis québécois et parle le français ou l’anglais et m’adresse à un allemand ou un chinois, j’aurai beau être l’être le plus évolué sur Terre, je n’y comprendrai tout-de-même absolument rien. Car je ne connais pas la logique et la structure de leur vocabulaire. La seule raison pour laquelle nous ne considérons pas qu’il ne soit guidé que par leur instinct, est la similarité qu’ils ont en appartenant à la même espèce que nous.
Les nombreuses variétés d’animaux et d’insectes ont un dialecte unique qui leur permet d’échanger entre eux, de s’accoupler, de survivre, de se nourrir, d’établir des structures sociales; comme la fourmi, si petite soit-elle! Il est donc facile de se convaincre, de s’entêter et de refuser de voir la détresse dans le regard et les gémissements d’un animal destiné à la boucherie, se dirigeant vers une mort atroce. Pour moi, cette insensibilité et ce manque de respect désolants propres à l’homme le loge au dernier rang parmi les nombreuses espèces qui peuplent notre planète. Il faut donc être aveugle ou inconscient pour ainsi réduire à l’instinct toute la richesse et la variété des modes de communication des autres espèces.
L’homme n’est pas aussi conscient et en parfaite maitrise des ses actes qu’on aime à le croire. Sinon pourquoi recherche t-il le profit et l’exploitation de sa propre espèce? Pourquoi est-il toujours en guerre et en compétition? Pourquoi cause-t-il autant d’accident et de violence? L’humain est-il un animal au même titre que les autres ? Il est peut-être capable d’atteindre des moments de lucidité, mais la majorité du temps il me parait totalement hors de contrôle. Il doit également assimiler et se conformer à un schéma social, à un mode de vie et ce depuis sa petite enfance, pour parvenir à devenir un être fonctionnel et civilisé. Bien que nous semblions plus complexes et ayons réussi à nous extirper à ce monde en prenant conscience de notre existence, cela ne nous permet pas de rejeter froidement les autres formes de vies qui, avouons-le, sont le reflet de ce que nous étions il n’y a pas si longtemps et de ce que nous sommes encore aujourd’hui !
Photographies : Zoo de Granby, 1er août 2009.
À notre insu se constitue donc notre modèle du monde, ce modèle qui détermine les perceptions et qui nous conduit à voir le monde à son image. Cette correspondance entre le modèle du monde et la perception du monde entretient l'illusion de la réalité et la vérédicité du monde extérieur ; ce qui renforce les croyances et crée une incapacité à concevoir que d'immenses pans de la réalité nous échappent.
Il peut sembler ardu de renouer contact avec la nature et lâcher prise dans ce monde compétitif ou le temps nous manque. À quand remonte le dernier moment ou vous avez ressenti du bonheur et où vous étiez en paix avec vous-même ?
Cette béatitude tant recherchée ne repose pas sur des images, des sons ou des mots codés dans notre cerveau, elle est saisie de l’existence du monde et cet équilibre atteint nous permet un lien direct avec la nature. Ces moments si précieux ne sont accessibles qu’à celui qui n’est plus. C’est lorsque nous cessons de vouloir tout contrôler, analyser, catégoriser et étiqueter que le flot cosmique nous emporte.
Nous avons cherché la machine et nous l'avons trouvée.
Très bien même puisque toute notre technologie est enfant de cette recherche. Il s'est produit un glissement sans que nous nous en rendions compte. Plus le monde se comportait comme une machine, plus notre esprit s'est recroquevillé pour être remplacé par une pensée machinale.
Et l'esprit dans tout ça ?
Étant donné qu'il n'était plus un objet de science, il s'est trouvé relégué en marge, comme un simple complément personnel destiné à faire passer la pilule de cette existence matérielle vide de sens.
Bien qu’existant comme tous les êtres vivants selon un mode naturel, l’homme, en tant qu’être conscient, occupe une place particulière dans la nature, se distanciant de cette dernière pour mieux se retourner sur lui-même afin de s’observer et de constituer pour lui-même une représentation de ce qu’il est.
Mais cette existence consciente d’elle-même ne se limite pas à un cercle dans lequel l’homme s’enfermerait dans sa seule subjectivité, il faut aussi pour que cette conscience s’affirme et se réalise pleinement qu’elle s’oriente vers l’extérieur et débouche sur une action, une activité offrant à l’homme la possibilité de prendre possession de cette nature à laquelle il appartient originellement pour mieux s’y reconnaître.
L’homme en insistant sur ce qui fait sa ”double existence”, d’une part comme être naturel, d’autre part en tant qu’esprit, c’est-à-dire en tant qu’être susceptible de prendre conscience de lui-même.
Les choses de la nature n’existent qu’immédiatement et d’une seule façon elles adhèrent complètement au mode d’existence naturel, et elles sont incapables de prendre une distance par rapport à elles-mêmes et à leur environnement, elles sont complètement intégrées à la nature et ne peuvent s’en détacher.
Par contre, l’homme, s’il participe à cette forme d’existence en tant qu’animal, est capable également de rompre cette immédiateté en introduisant une distance intermédiaire entre lui et le monde extérieur, recul qu’il peut établir par la conscience de soi, celle-ci lui permettant de s’extraire de l’univers dans lequel il apparaît tout d’abord. Ainsi, par la conscience, l’homme sait qu’il existe ,il se perçoit donc comme une unité distincte et séparée de tout ce qui l’entoure, il existe ” pour soi ”, il n’est plus enfermé dans un mode d’existence unique et limité, comme l’animal qui est totalement soumis à ses instincts et ne peut sortir du sillon tracé pour lui par la nature, à l’opposé l’homme parvient à la vie spirituelle par ce retour sur lui-même, cette saisie de soi par la pensée que constitue pour lui la conscience.
L’aspect réflexif de la conscience de soi qui se manifeste par un retour de la pensée sur elle-même, pensée qui s’auto-analyse et cherche à se représenter tout ce qui constitue son intériorité. ” tous les mouvements et replis du cœur humain ; et d’une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence ; enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans ce qu’il tire de son propre fond que dans les données qu’il reçoit de l’extérieur ”.
Par la conscience de soi s’ouvrant par l’action sur le monde extérieur l’homme devient un sujet libre, il n’obéit plus aveuglément aux lois de la nature, mais les utilise pour donner au monde une signification humaine. La grandeur de l’humain ne relève pas du monde des choses, mais du monde des actes déterminés par une pensée consciente et réfléchie, la pensée se constitue comme volonté qui s’oppose au corps lorsque celui-ci nous conduit sur la voie de la déraison.
Simplification d'un texte de : Georg Wilhelm Friedrich Hegel